Je viens d’écouter un excellent podcast de la Tête au carré, sur la place de l’erreur dans l’apprentissage. L’émission m’a rappelé une excellente phrase du père d’un ami, à qui j’avais demandé comment, avec son épouse, ils étaient devenus des architectes renommés : « En essayant des tas de choses qui n’ont pas marché ». Tout est dit, non?
Dans l’émission, les intervenants établissent une différence cruciale entre la notion d’erreur et la notion d’échec, notions qu’une certaine forme de notation à l’école a tendance à confondre.
Comme on le sait, la réussite est la conséquence d’une persévérance à corriger ses erreurs : il n’y a pas là qu’une qualité humaine, mais les bases mêmes de la méthode scientifique – essai / erreur.
Certains définissent même la vérité comme une erreur corrigée .
Correction de trajectoire.
C’est donc qu’il ne faut surtout pas, dans un processus pédagogique, stigmatiser l’erreur- c’est même un pêché didactique majeur puisqu’il y a autant, voire plus, à apprendre de ses erreurs que de ses réussites. Il faudrait même promouvoir les erreurs car 1. elles signifient déjà qu’on a essayé, 2. l’analyse de la cause de l’erreur est l’une des indications les plus précieuses qui soient, pour peu qu’on ait la sagesse de ne pas s’y reprendre exactement de la même manière. La succession d’erreurs constitue alors la carte en creux de la bonne route à prendre.
Mais en chargeant négativement l’erreur d’une teinte de ratage, d’un soupçon de médiocrité, on la prive de toute perspective. À tort, on clôt un dossier que rien n’exigeait de clore. On essentialise, on généralise un accident ponctuel pour en faire une règle, une fatalité, pire : une sorte de trait psychologique. Autant dire qu’en agissant ainsi, non seulement on attriste l’élève (l’apprenant…) mais on le prive également de cette analyse de l’erreur qui est l’outil le plus précieux de la pédagogie, grâce auquel il aurait pu / pourrait / peut encore corriger sa trajectoire.
Si notes il doit y avoir, et a fortiori quand elles sont basses, elles ne doivent être que des jalons, des panneaux indicateurs, et en aucun cas des jugements définitifs. Un enseignant, un formateur, un pédagogue, doit s’ingénier à dire à son élève : « ce que tu as fait n’est pas satisfaisant » en laissant intacts son enthousiasme et sa confiance. C’est là son équation à lui. Il doit même essayer d’aller jusqu’à faire de l’erreur une motivation supplémentaire à la poursuite du travail ou de l’entraînement. En un mot, le bon pédagogue ne doit pas transformer les erreurs en échec, mais en informations pour réussir. Cela implique donc aussi qu’il apprenne lui-même la patience, sans quoi rien n’arrive vraiment.
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mardi 13 juin 2017
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