Un ami me confiait que ses parents trouvaient le fait d’être assignés à domicile particulièrement difficile ; cet ami leur fit remarquer, pensant à leur comportement habituellement sédentaire, que cela ne les « changeait » pas beaucoup de l’ordinaire… Peut-être, mais le fait est qu’ils trouvaient réellement cela difficile.
Pourquoi ?
Il me semble qu’il y a là une raison plus profonde qu’il n’y paraîtrait au premier abord. Ce n’est pas tant le fait de rester chez soi (de « rester en repos, dans une chambre », pour citer Pascal) qui nous est pénible que le fait d’être obligé de rester chez soi. Pour le dire symétriquement : ce qui me plaît, ainsi qu’aux parents de mon ami, c’est la possibilité de pouvoir sortir, la liberté de pouvoir sortir, qui inclut forcément le plaisir, la possibilité de pouvoir rester chez moi, si je le décidais.
Obligerait-on demain les gens à sortir de chez eux –ou à ne pouvoir rester chez eux qu’à des conditions dérogatoires- qu’ils s’en plaindraient autant, et avec autant de sincérité.
L’ermite décide de rester au même endroit ; l’aventurier décide de parcourir des contrées : tous les deux pourraient d’ailleurs décider de changer de vie. Ils sont (et se sentent) intérieurement libres justement parce qu’ils ont ce choix, et c’est celui-ci, plus que la nature de leur mouvement, qui constitue leur liberté. Pas de choix, pas de liberté.
En l’occurrence, l’État nous prive de ce choix pour des raisons légitimes, et nous pouvons choisir de lui obéir, voire même de l’approuver, pour des raisons hautement valables.
mardi 21 avril 2020