Son ancêtre est le préceptorat, l’idée que chaque élève est un individu unique. Cela n’entre pas en contradiction avec le rôle socialisant de l’école; l’un n’empêche pas l’autre.
L’élève n’est plus un visage noyé dans une masse de visages; il a son rythme. Il faut du temps, parler, apprendre à se connaître; ainsi le pédagogue peut suivre le conseil de Montaigne et travailler en fonction du rythme de son élève. L’individualisation permet de trouver la bonne méthode pour cet élève-ci, qui ne sera pas la même que pour cet élève-là. Supplément d’âme.
Il y a un faux procès qui est fait aux cours particuliers sous le prétexte qu’il n’est réservé qu’aux privilégiés -argument boiteux, car il faudrait plutôt dire : les cours particuliers doivent être accessibles à tous. Et cela n’est pas si inconcevable; l’école doit intégrer, dans la phase actuelle de son existence, cet aspect individuel, et impossible à mettre en équation dans un programme, de son éducation. Libérer du temps et de l’espace pour cela, pour que se libère la parole de l’élève en difficulté, ou en échec, écrasé entre les remarques vexantes de ses profs et les sermons de ses parents.
Si l’école de la République n’intègre pas ce que le privé a déjà commencé à faire (et certains en profitent déjà), elle se condamne à n’éduquer qu’à gros traits, sans s’avouer qu’elle joue, et en pleine hypocrisie, ce jeu cruel de la compétition et de cet odieux tri des élèves qu’idéologiquement elle réprouve. Car hélas c’est encore cette devise : « si vous ratez le train, tant pis pour vous », qui conduit les conseils de classe, les programmes scolaires, et les orientations.