Le problème avec les descriptions

C’est une objection récurrente dans les avis des Collégiens et des Lycéens à propos de leurs lectures obligatoires : « trop de descriptions, descriptions trop longues… »
Au banc des principaux accusés : Flaubert, Hugo, Balzac…
Il faut donc la prendre en compte et, sans abdiquer, y réfléchir sérieusement.

Il est nécessaire bien sûr que le professeur dégage l’intérêt « visuel » des descriptions, en particulier à des époques où l’image était une composante sociétale moins importante que maintenant. (Ah, si Dumas avait eu une caméra…).
Il lui faut expliquer aussi que chez les grands auteurs, le descriptif n’est pas un arrêt total de la narration : en fait, les descriptions romanesques, si on les lit bien, contiennent du récit. Quand Balzac décrit la pension où vit le Père Goriot, il est déjà en train de raconter son histoire.

Mais est-ce que ces précisions suffiront ? Je ne pense pas… Ma théorie, c’est que ce n’est pas vraiment la description qui ennuie le jeune lecteur, mais la diégèse.
Pour preuve, on remarque que quand celle-ci l’attire ou lui plaît au préalable, il traversera sans difficulté particulière les pages et les pages de description, par exemple, des us et coutumes des Terres du milieu, des couloirs de Poudlard ou des galaxies lointaines de Fondation, pour citer des œuvres populaires dans ces âges.

Ce qui n’intéresse pas l’adolescent, c’est le cadre dans lequel on lui propose de l’emmener : la France du Second Empire ne lui dit rien, et les préoccupations des bourgeois de Yonville non plus. Pourquoi et comment pourrait-il s’y projeter, même si on lui dit, argument fatal, que c’est « pour sa culture » ?

En somme, je pense que la « description », un peu comme le « nombre de pages », sert de bouc-émissaire au non-intérêt de l’adolescent pour le cadre réaliste type des romans du XIXe. Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à faire lire ces œuvres, mais en intégrant cet élément plutôt qu’en l’ignorant : les éléments universels que l’on veut dégager des grandes œuvres doivent prévaloir sur leur ancrage spatio-temporel. Les romans de chevalerie par exemple, par le flou diégétique qui les caractérise, sont plus susceptibles de plaire. Si le professeur doit faire quelque chose ici, c’est aider l’élève à passer « par-dessus » la distance qu’il éprouve avec l’univers de référence.

Rappelons enfin, au sujet des descriptions, le second droit imprescriptible du lecteur selon Daniel Pennac : « le droit de sauter des pages ». Mais ce n’est pas non plus interdit de les lire !

 

mardi 22 avril 2016

_

_

_

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *