Il y a un proverbe chinois qui dit : « Le travail de la pensée ressemble au forage d’un puits ; l’eau est trouble d’abord, puis elle se clarifie. » Qu’il s’agisse d’une dissertation, d’un commentaire, d’une invention ou de tout autre type de composition (jusqu’aux productions écrites non scolaires), il apparaît que ce qu’on qualifie négligemment de « brouillon » est la clé d’un travail réussi.
On a parfois tendance à se figurer le brouillon comme une sorte de préparation, d’échauffement avant le vrai match qui va commencer quand on passera au propre ; je propose de voir les choses exactement dans l’autre sens : le brouillon EST le vrai match, car c’est là que se dégageront la matière intellectuelle et sa mise en ordre -le propre n’est qu’une exécution -ou, pour prendre une image plus triviale, le moment où on met son plat au four. Mais le plat s’est fait avant.
C’est pour cela qu’il faut prendre ce temps de recherche en vrac de ses idées et/ou de ses connaissances, ce temps pour les développer, les examiner, les soupeser, les retourner dans tous les sens pour en évaluer la pertinence, traverser des déserts s’il le faut, car même dans les « blancs », l’esprit est au travail, persévérer pour, dans le temps disponible, forer le plus profondément possible la matière brute afin d’en disposer ensuite. Ce travail-là n’est pas un préalable à la pensée, c’est le mouvement même de la pensée, qui chemine vers cette « clarté » dont parle le proverbe en se cherchant elle-même.
Qu’un brouillon soit donc un joyeux feu d’artifice de mots et de sigles, avec des flèches, des couleurs, de la vie (préférez la rature à la gomme car on retrouve parfois, sous d’anciennes ratures, des choses qui, finalement, vont servir), jaillissement qu’un esprit logique va ensuite organiser, d’abord en triant, puis en classant. Enfin, un plan détaillé de la route à suivre, et en avant ! Ne vous dites pas : je verrai quand j’y serai ; tout doit être prêt avant de commencer à rédiger : votre style n’en sera que plus délié.
mardi 8 novembre 2016
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