« Ça, c’est la faute des textos ! »… Combien de fois ai-je entendu cette phrase, prononcée par des adultes se désolant du niveau d’orthographe de nos chères têtes blondes? C’est devenu un lieu commun.
Indéniablement, le niveau de l’orthographe a baissé en France dans les dernières décennies. Selon certaines études, un élève de troisième aujourd’hui aurait le niveau en orthographe d’un élève de cinquième il y a 20 ans; nous aurions donc perdu deux crans de niveau. Au Lycée, les choses ne s’arrangent pas: une dictée de type « Brevet des collèges » a été faite il y a peu à un panel varié d’élèves de Terminales: 52% d’entre eux ont eu … zéro !
Un professeur de français en retraite m’expliquait que quand il était en Terminale, il y a plus de 50 ans, toute dissertation ayant plus de six fautes d’orthographe avait zéro, indépendamment du contenu !
On est donc rendus très loin, assez loin même pour que certains se posent, plus ou moins sérieusement, la question d’une réforme de l’orthographe française, qu’un auteur de la fin du XIXe siècle qualifiait de « criminelle » pour ironiser sur sa difficulté -mais qui fait aussi sa richesse !
Le niveau a baissé, donc, mais le bouc-émissaire n’est pas le bon. Ce n’est pas l’apparition du langage phonétique SMS*, utilisé aussi sur le net, qui a créé cette situation. Incriminer cette nouvelle forme de communication me semble constituer une double erreur.
C’est d’abord passer à côté de la véritable cause, qui réside selon moi dans le fait que l’on a enlevé en Primaire des heures de français, au profit d’autres activités, et que l’on paye aujourd’hui assez cher ce choix pédagogique.
Ensuite, c’est passer aussi à côté de l’aspect ludique, et linguistiquement très intéressant, de cette nouvelle forme de langage; personnellement, je trouve cela très bien que des adolescents jouent avec la langue, se l’approprient de manière vivante, tant que cela ne parasite pas la connaissance des règles. Et je ne crois pas beaucoup que parasitage il y ait, car je vois des élèves qui maîtrisent très bien l’orthographe et s’écrivent phonétiquement entre eux. L’un n’empêche pas l’autre.
Du moment où l’on fait la différence entre le «koi» et le «2m1» envoyés à son camarade et le «quoi » et le «demain» destinés à la copie en classe, aucun problème ! J’irais même jusqu’à parler d’un enrichissement de la langue, qui n’a rien à voir avec le déficit des bases en Primaire.
12 novembre 2013
* 2014 : Une étude menée par le CNRS par Josie Bernicot vient de le démontrer.