Le bon pédagogue, le maître intelligent, l’initiateur efficace, c’est celui qui sait faire sentir à son élève la pouvoir contenu dans le savoir, un pouvoir qui sera ensuite disponible pour lui, dont il pourra se servir librement. Tant que le lien ne se fait pas, dans l’esprit de l’élève, entre le savoir – parfois abstrait, voire aride – et l’utilité dans la vie de ce savoir, ce dernier restera « lettre morte ». Les élèves dits « paresseux » n’aiment pas apprendre non pas parce qu’ils n’aiment pas apprendre mais parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de ce qu’on leur propose d’apprendre. S’ils le voyaient, je veux dire : si leur maître avait le talent de leur faire vraiment voir, je pense qu’ils feraient feu de tout bois pour s’approprier ce trésor ! Quand j’ai dit « utile », je ne réduis pas ce mot, comme certains, à sa seule dimension pragmatique ; il y a certaines formes d’utilité qui ne se calculent pas en termes de rentabilité sur le marché de l’emploi, des utilités intellectuelles – certains savoirs gratuits et magnifiques, en art, en histoire, en littérature, en botanique, en astronomie etc.
S’il faut donc prendre un peu de temps pour réfléchir à cette question, au lieu de ne penser qu’aux méthodes d’enseignement, ce temps est précieux, si de sa réponse dépend l’efficacité réelle de la transmission. « L’enfant est un feu à allumer, non un vase à remplir », disait Rabelais. Peut-être que pour créer cette précieuse étincelle, il faudrait commencer à montrer à l’élève ce que pourra personnellement lui apporter le savoir qu’on se donne pour objectif de lui transmettre.