Une approche picturale des registres littéraires.

Pour parler des textes, pour les analyser, les interpréter, il faut des mots : ce sont les mots de l’analyse textuelle, drôles de bestioles aux noms incongrus et pittoresques, polyptotes et diérèses, narrateurs omniscients et réfutations, didascalies et autres zeugmas. Je ne dirai pas de ces mots qu’ils sont « barbares » car, comme Michel Foucault le dit, n’est barbare qu’un mot qui ne veut rien dire et à ce titre, de nombreux mots familiers pourraient être qualifiés de barbares ; or, ces mots au contraire sont très précis : distinguer, au sein du comique, l’humour du burlesque est plus précis que de dire : c’est marrant.

Parmi ces termes, qui ne sont pas une fin en soi mais uniquement des outils (un peu comme on aurait besoin d’abord de connaître les noms des différentes pièces d’un moteur pour pouvoir ensuite en apprendre le fonctionnement), se trouvent les fameux registres littéraires, à ne pas confondre avec les registres de langue, et dont la liste fait débat depuis bien longtemps.

C’est la définition même du registre qui est problématique. Initialement le registre est censé désigner l’émotion éprouvée par le lecteur (du moins l’effet escompté par l’auteur sur lui), ce qui fonctionne très bien avec des registres simples, comme le pathétique ou le comique, mais moins bien avec des registres ne se liant pas forcément à une émotion, comme le didactique ou l’oratoire.

Ce qui complique encore la question est la possibilité qu’il y ait plusieurs registres, certains étant liés de fait (il y a forcément du pathétique dans le tragique mais pas l’inverse) d’autres étant associés par l’esthétique de l’auteur avec, parfois de surprenants mélanges.

On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi garder un outil apparemment si mal taillé ; eh bien justement parce qu’il permet de décrire les nuances des textes littéraires…

J’ai trouvé avec mes élèves une image (c’est le cas de le dire) qui fonctionne assez bien : je compare les registres à des nuances de couleur. Le texte devient un tableau globalement vert clair, avec ici une nuance de jaune, là une zone plus sombre ; ainsi on peut décrire les registres d’un extrait ou d’une œuvre en dégageant la teinte, l’émotion dominante… Avec ici ou là telle couleur, telle irisation de la lumière qui contribue au dessin d’ensemble. On navigue alors dans l’océan si riche et si subtil des émotions humaines, guidés par la plume de ses meilleurs interprètes…

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mardi 27 juin 2017


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